« Viens là, ma belle. » Alexander eut un fin sourire, tout en rivant son regard vers les gradins du cirque. Rapidement, une chouette hulotte se posa sur son avant-bras. « C'est l'heure de ta friandise. » Le vampire caressa les plumes de l'oiseau du revers de son index tout en se dirigeant vers l'arrière du chapiteau, où les employés du cirque se préparaient lors des représentations. Ici, on pouvait trouver des miroirs, des chaises, des vêtements et toutes sortes d'accessoires de spectacle. Alexander avait également son coin personnel, avec la nourriture de sa chouette. Des morceaux de souris mortes, dépecées. « Je sais, je sais, je suis en retard et tu as faim, attends encore quelques secondes. » Pressé par la chouette qui se lamentait, le vampire se débattait tant bien que mal avec la boîte où se trouvait la viande. Lorsqu'il eut réussi à soulever le couvercle, il donna quelques morceaux à son animal de compagnie, qui ne prenait même pas le temps d'avaler correctement son repas. « Doucement, tu vas t'étrangler. » Alexander caressa une nouvelle fois l'animal, sur la tête cette fois-ci, tout en rejoignant sa tente. Là, il posa la chouette sur son perchoir et soupira un grand coup. La journée avait été mouvementée et le dernier spectacle éprouvant. De plus, Alexander commençait à avoir de plus en plus d'admirateurs. Des admirateurs qui l'attendaient à la sortie du chapiteau pour lui parler, de longs, très longs moments.

En parlant d'eux... une femme se trouvait dans la tente personnelle d'Alexander. Il sentait son odeur sans même avoir besoin de se tourner vers elle. Il pouvait même deviner son âge, son style et surtout ce qu'elle pensait. Son empathie, qu'il commençait à peine à contrôler, lui donnait quelques éléments sur les intentions de cette demoiselle qui n'avait visiblement pas froid aux yeux. Alexander eut un rictus inquiétant avant de se tourner vers sa nouvelle proie. Elle était venue pour cette raison. Pour être mordue. Elle savait. Elle était au courant de ce monde surnaturel et faisait partie de ces fanatiques prêts à tout pour un instant de frissons aux cotés d'une créature. Bien évidemment, il fallait se méfier de ces personnes, mais Alexander pouvait sentir le désir profond de cette femme. Il s'avança alors vers elle pour ensuite l'attirer vers un coin plus sombre de sa tente, au cas où certains visiteurs se perdraient par ici, car ils n'avaient aucun besoin de découvrir les sombres secrets du fantastic circus.

Si Alexander prenait plaisir à mordre une humaine ? Oui, du moment qu'il ne la tuait pas. Ce qui pouvait arriver. Un instant de faiblesse, les instincts primaires du vampire qui prennent le dessus... et c'est trop tard. Alexander avait bien conscience des risques et semblait à moitié préoccupé par un possible incident. Il offrit un beau sourire à la jeune femme, glissa sa main le long de son cou, puis planta ses canines dans sa chair. Sûrement débutante dans le domaine, la demoiselle ressentit de la peur, au premier abord, avant de se laisser aller vers une sorte d'euphorie que certains humains, fanatiques, pouvaient ressentir dans ce genre de situations. « Tu es là ? » Alexander recula son visage du cou de l'inconnue et sentit l'odeur d'un autre vampire. Il n'avait pas reconnu la voix, à cause de sa concentration à ne pas faire une malheureuse victime. « Il est temps de partir. J'espère que tu connais la marche à suivre après ce genre de... moment. » Alexander adressa un nouveau sourire à la jeune femme, qui repartait à moitié heureuse, à moitié fascinée. Le vampire, qui suivait de près, apparut au centre de sa tente où se tenait Klaus. À moitié surpris, Alexander s'avança près de lui, tout en prenant soin de passer sa langue sur ses lèvres afin de masquer toutes traces de sang frais. « Je suis là. » Évidemment. Alexander sourit, l'air détaché, presque comme s'il s'apprêtait à se vanter de ce qu'il venait de se passer plus tôt. « Que me vaut ce plaisir ? »

Un amateur de grands crus pourrait certainement comprendre un vampire habitué à se nourrir à la seringue. Lorsque l'on passe d'un vulgaire vin bon marché à un millésime, les papilles gustatives restent en éveil un moment et une euphorie presque idiote envahie tout votre être. Alexander se sentait comme sur un petit nuage, après avoir croqué dans le cou de cette jeune femme dévouée. Il ne put donc masquer son sourire niais et marchait comme s'il exécutait des pas de danse, nonchalant au possible. « J’imagine que je t’interromps pas.» Le sourire d'Alexander s'élargit. « Si peu. » Il avait eu sa dose, comme dirait les junkies. Alors, même si le moment avait été interrompu, le vampire ne se sentait qu'à peine frustré. Il oublia même progressivement sa précédente visite pour se concentrer sur le nouveau venu. Klaus avait besoin de quelque chose et Alexander était impatient d'entendre sa demande. « Tu m’avais dit que tu avais certains… talents, que tu arrivais à contrôler.» Alexander releva le menton, faisant mine de chercher dans sa mémoire à quel moment il s'était confié sur ses capacités à Klaus. « Oui, en effet. Et donc ? » Le vampire fit glisser ses doigts fins et cadavériques sur le dossier d'une chaise en bois verni. « J’aurais besoin que tu m’apprennes ça. » Le vampire eut un rire fin, à peine audible et court. Il ne se moquait pas, loin de là, mais voir quelqu'un lui demander de l'aide lui faisait toujours plaisir. Il se sentait comme ces druides, qui prétendaient pouvoir tout gérer de leurs situations.

« Mon empathie a commencé à surgir. J’ai perdu le contrôle. Je ne veux pas que ça se reproduise. » Maintenant, les doigts d'Alex tapotait le sommet du dossier de chaise, doucement, ne brisant absolument pas le silence qui s'était installé puisqu'il ne faisait pas grand bruit. Le vampire était songeur. Il contrôlait bien son empathie, c'est vrai, mais il n'était pas infaillible. Parfois, Alexander se laissait submerger par ses sentiments, ceux des autres, et le tout devenait un gros bordel dont il n'arrivait pas à se sortir. Là, il se perdit dans ses pensées, le regard dans le vide, alors que Klaus se rapprochait de lui pour gagner son attention. Le vampire remarqua du mouvement et leva lentement les yeux, le visage nettoyé de toute émotion. « Aide-moi. » Alexander déglutit, sentant encore le goût du sang dans sa bouche, contre son palais. Il devait aider le jeune vampire et le ferait. « Bien. Pour commencer, j'ai besoin de savoir à quel moment tu perds tout contrôle de ton empathie ? Est-ce tout le temps ou dans certaines situations ? Lorsque tu ressens de la colère ? De la tristesse ? De la joie ? » Autant entrer dans le vif en éliminant ce qui ne correspondait pas au problème. Alexander, par exemple, perdait souvent le contrôle sur son empathie dans des excès de colère ou de tristesse intense. « Parfois, un seul sentiment est responsable de notre état. Il faut trouver ta faiblesse et en faire une force. »